‘‘L’histoire, pas plus que la nature, ne peut nous indiquer ce qu’il faut faire. C’est nous qui y apportons un but et un sens. Les hommes ne sont pas égaux, mais nous pouvons décider de combattre pour l’égalité des droits. Nos institutions sociales ne sont pas rationnelles, mais nous pouvons décider de les rendre plus rationnelles. Lorsque nous aurons cessé d’attendre de l’histoire un jugement et une justification, nous arriverons peut-être à exercer sur le pouvoir un contrôle efficace.’’
Karl Popper in La Société ouverte et ses ennemis (1962)
Karl Popper est l'un des philosophes des sciences les plus influents du XXe siècle.
Il démarra sa vie active comme apprenti ébéniste.
Puis il étudia à l'Université de Vienne. Il adhère un temps au Parti social-démocrate d'Autriche (à l'époque marxiste). Il devint enseignant de mathématiques et physique au Lycée. Il côtoya le Cercle de Vienne (néopositiviste), qui le fit connaître, mais sans jamais y entrer. Sa pensée fut influencée par ses lectures de Frege, Tarski et Carnap.
En 1936, il donna des conférences en Grande-Bretagne, où il rencontra ses compatriotes Hayek et Gombrich. En 1937, il accepta une proposition de conférencier à Christchurch en Nouvelle-Zélande, où il passa la guerre.
Début 1946, il revint s'installer à Londres. Sur une proposition de Hayek, il devint professeur à la London School of Economics. Il y fonda en 1946 le département de logique et de méthodologie des sciences. Il participa également à de nombreux séminaires et conférences dans d'autres universités, notamment américaines.
Il était membre de la British Academy.
Partant, toutes les théories s'appuyant sur une prophétie ou sur un prétendu cours de l'histoire sont invalides. Il critique ainsi particulièrement le marxisme qui ramène toute l'histoire connue à la lutte des classes. L'ouvrage est dédié « À la mémoire des innombrables hommes, femmes et enfants de toutes les convictions, nations ou races, qui furent victimes de la foi communiste ou fasciste en des Lois Inexorables du Destin de l’Histoire. »
Tout au long de sa carrière, Popper s'est attaché à prouver l'indéterminisme. Au système historiciste, Popper oppose une philosophie essentiellement fondée sur l'indéterminisme. Cette conception suit celle de son épistémologie, selon laquelle la connaissance progresse par essai/erreur (trial and error) : pour résoudre un problème donné, on propose plusieurs hypothèses/solutions qu'il s'agit de tester et on élimine celles qui aboutissent à une erreur.
Popper tire de cette conception une position politique : comme il est impossible de prédire le cours de l'histoire, il faut progresser petit à petit par essai/erreur, d'où une conception « fragmentaire » des sciences sociales (piecemeal social engineering) dans laquelle rien n'est joué d'avance. Au lieu de prévoir un plan d'ensemble pour réorganiser la société, il s'agit au contraire de procéder par petites touches, afin de pouvoir comprendre l'effet de telle ou telle mesure, et d'en corriger les inévitables conséquences inattendues.
L'œuvre de Popper ne se limite pas à l'épistémologie. Même s'il s'est toujours refusé à se présenter comme un philosophe politique, il n'en reste pas moins qu'il s'est beaucoup attardé sur la politique et notamment sur le fonctionnement de la démocratie.
Popper propose en effet une vision du monde dans laquelle la liberté de l'homme est fondamentale et doit être protégée. En particulier, dans sa critique du marxisme et de l'historicisme hégélien, il combat une conception du monde dans laquelle l'homme serait impuissant face à la marche de l'histoire. Popper soutient au contraire que les idées influencent le monde et l'histoire, et que l'homme, et en particulier les philosophes, ont une importante responsabilité.
Popper ne distingue que deux types de régimes politiques : la démocratie et la tyrannie.
Comme à son habitude, Popper n'attribue pas plus d'importance qu'il n'en faut aux mots ; on ne doit comprendre par ces deux termes que des repères terminologiques. Ainsi, ce n'est pas par l'étymologie que Popper va définir la démocratie, qui serait alors le "gouvernement du peuple".
La question classique depuis Platon "qui doit gouverner" est rejetée par Popper comme étant essentialiste. À ce problème, il propose d'en substituer un plus réaliste : "existe-t-il des formes de gouvernement qu'il nous faille rejeter pour des raisons morales ? Et inversement : existe-t-il des formes de gouvernement qui nous permettent de nous débarrasser d'un gouvernement ... ?"
Sera ainsi qualifié de démocratique un régime dans lequel les dirigeants peuvent être destitués par les dirigés sans effusion de sang. Tout autre gouvernement dans lequel la destitution des dirigeants ne peut passer que par la violence pourra être qualifié de tyrannique.